Mercredi 14 juin, lors de la visite quotidienne d'un patient qui présente des troubles psychiatriques, Valérie se fait rouer de coups. Elle dénonce l'inaction de l'équipe médicale, qui aurait reçu plusieurs signalements et une demande d'hospitalisation, la veille de l'agression.

Mercredi 14 juin, la journée commence normalement pour Valérie : " Je suis arrivée chez mon patient à 7heures pour lui donner ses médicaments, comme on le fait deux fois par jour." Son patient, qui présente des troubles psychiatriques, réside dans un appartement relai géré par le centre de soins de jour. Elle le suit depuis près d'un an. "La personne qui habite avec lui, un autre patient, m'a ouvert. Mais lui ne venait pas, malgré mes appels. Puis il a déboulé en furie, m'a mis un coup de pied, puis un coup à la tête qui m'ont fait tomber contre la table basse, et là, il m'a rouée de coups."
Plusieurs signalements déjà effectués
L'infirmière raconte non sans difficultés le choc, la terreur. Elle se voit prescrire 7 jours d'ITT, dépose plainte contre le patient, mais son but est surtout d'alerter pour ne pas que cela se reproduise, puisqu'elle assure que ce tragique incident aurait pu être évité. "Je n'en veux pas à ce patient, il a une pathologie, mais je suis en colère parce qu'on n'a pas été écoutés." En effet, l'équipe infirmière avait plusieurs fois signalé que les délires de ce patient étaient de plus en plus intenses et qu'elle craignait qu'il ne soit dangereux. Il avait déjà été hospitalisé sans son consentement pour ces risques, la dernière fois en juin 2022. Le directeur de l'hôpital Marius Lacroix, confirme les alertes faites depuis le mois de mai. Il explique que la psychiatre en charge du patient avait bien été alertée la veille, par les infirmières psychiatres, demandant une hospitalisation en urgence. "Malheureusement au vu de la situation du patient elle a fait le choix de poser une séance avec ce patient, prévue au lendemain de l'agression, pour décider de son hospitalisation. C'était un jour de trop, si on avait pu décaler le rendez-vous..."
Soigner en dehors de l'hospitalisation
Le directeur regrette "un enchaînement de faits malheureux" et rappelle que le patient était très suivi : "il a, chaque semaine, deux activités thérapeutiques avec les équipes, et deux visites d'infirmiers psychiatriques en plus des visites deux fois par jour des infirmières libérales qui sont là pour vérifier qu'il prenne son traitement." Il ajoute "on cherche toujours cet équilibre pour réussir au maximum à soigner en dehors de l'hospitalisation."
Le président du syndicat départemental de la fédération des infirmiers, Fabrice Brivady, témoigne aussi de son soutien : " Les infirmiers sont en première ligne avec les patients difficiles. Les agressions sont régulières, voire quotidiennes, et elles augmentent avec la tension dans les hôpitaux, les difficultés dans la prise en charge à domicile. Il faut qu'on arrive à être protégés pour assurer nos missions de manière correcte."
"Je pense à la réorientation professionnelle"
Après ses quelques jours d'arrêt, Valérie devra retourner au travail, la boule au ventre. "Je pense à la réorientation professionnelle, on vit des moments difficiles en tant que soignants, et là c'est la goutte, c'est trop." Elle repense à la mort de cette infirmière attaquée par un patient au CHU de Reims en mars dernier : "là, pour moi, ce n'étaient pas des coups de couteau mais des coups de poings. J'ai eu de la chance parce que ce patient se balade régulièrement avec des couteaux. Il y a eu un disfonctionnement quelque part et c'est moi, au bout de la chaine, qui risque ma vie."